« Lorsque j’ai fait ma thèse sur
Messali en 1975, j’avais été frappé
par l’importance de l’immigration
algérienne en France,
de la conscience politique.
Cette sorte
de lien qui existe entre conscience nationale,
situation politique et processus migratoire,
est resté longtemps au coeur de mes recherches. Comment l’unité
nationale peut naître, se développer et être portée dans l’exil et
l’immigration ?
Deuxième élément : la question de l’appellation juridique.
Aujourd’hui on dit “les Algériens” mais on ne les appelait pas à
l’époque : c’étaient des hommes sans nom. Ils n’étaient pas français
et sans la possibilité d’obtenir la citoyenneté française déclarée.
Ils n’étaient pas non plus des “sujets français” comme l’étaient par
exemple les Tunisiens et les Marocains, ni des “étrangers” puisque
l’Algérie c’était la France (…) : ils étaient sujets nord-africains,
musulmans nord-africains.
La première fois que le mot Algérien apparaît, c’est le 5 octobre
1961 quand le préfet Maurice Papon a interdit aux Algériens de
sortir dans la rue après le couvre-feu. Le mot désignait les Algériens
comme des ennemis en leur donnant une indication de nationalité.
C’est pour ça, entre autres, que la notion de nationalisme politique
s’imposait. En devenant des militants nationalistes, ils avaient un
nom, ils se réappropriaient la dignité et cela les faisait rentrer
dans l’humanité. Le nationalisme politique était une école qui leur
permettait d’exister.
Enfin, cette immigration algérienne a été sur le feu de deux
problèmes : d’abord la répression par la police française, tout le
système d’internement, d’arbitraire. Je ne m’attarde pas sur cette
histoire. Il y a eu aussi les règlements de compte entre FLN et MNA
en France à partir de 1956 pratiquement jusqu’à l’indépendance,
même si des régions entières sont passées sous le contrôle du FLN
dès 1958 et 1959. »